La crise humanitaire en Afghanistan peut être évitée si nous nous en donnons les moyens

Près de 22,8 millions d’Afghans sont confrontés à une insécurité alimentaire aiguë.

(Par Shah Mahmood Qureshi, le 15 décembre 2021)

Il faut de toute urgence se porter au chevet du peuple afghan. Le pays connaît l’une des pires crises humanitaires de notre époque. S’appuyant sur des décennies d’expérience dans l’analyse et la gestion des urgences humanitaires, le système des Nations Unies a tiré la sonnette d’alarme.

Le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres a déclaré que des millions d’Afghans vulnérables espéraient une « bouée de sauvetage » pour faire face à ce qui est peut-être leur « heure la plus grave » après des décennies de guerre et d’insécurité. Malgré ces sombres perspectives, la crise peut être évitée.

Grâce à la générosité de nombreux donateurs, le système des Nations Unies, des organisations internationales et des agences humanitaires ont contribué à mobiliser et à fournir des denrées alimentaires, des médicaments et d’autres produits vitaux.

Malgré des ressources modestes et des contraintes financières, le Pakistan accorde une aide humanitaire de plus de 30 millions de dollars, assure un pont aérien et terrestre pour les fournitures humanitaires et facilite le commerce de transit et les mouvements transfrontaliers des Afghans dans le besoin.

Et pourtant, l’aide humanitaire et les autres formes d’assistance doivent être bien plus importantes.

L’ONU estime que plus d’un demi-million d’Afghans ont été déplacés à l’intérieur du pays. Près de 22,8 millions d’Afghans sont confrontés à une insécurité alimentaire aiguë. Selon le Programme alimentaire mondial, « cet hiver, des millions d’Afghans devront choisir entre la famine et la migration ». D’après les médias, des milliers d’Afghans tentent de partir. Ils vivent une véritable course contre la montre !

Le peuple afghan a pâti des effets cumulés d’un conflit s’inscrivant dans la durée, d’une sécheresse prolongée dans les zones rurales, de la perturbation de l’activité économique dans les zones urbaines et de l’aggravation des impacts socio-économiques de la pandémie de Covid-19.

L’acheminement de fournitures humanitaires en Afghanistan présente des défis logistiques en raison de l’hiver rigoureux et de l’éloignement géographique. La fragilité de la structure de gouvernance, la grave pénurie de liquidités et les sanctions financières constituent un danger clair d’effondrement économique en Afghanistan. Même si la population sera vraisemblablement touchée, cela peut et doit être évité.

Les sanctions et le gel des avoirs ont paralysé le système bancaire afghan, empêchant le transfert de fonds à des fins humanitaires et le paiement des salaires des travailleurs dans des secteurs essentiels tels que les services publics, l’éducation et la santé.

Il est essentiel de s’interroger sur le caractère adéquat de ces sanctions pour pouvoir sauver des vies, permettre la mise en place de services de base et maintenir un minimum de gouvernance publique. Les retards sont susceptibles d’entraîner des risques involontaires de voir le système financier recourir à des échanges d’argent non réglementés. Un tel scénario pourrait compromettre nos objectifs communs de lutte contre le terrorisme et les trafics.

Nous ne devons pas abandonner le peuple afghan maintenant. Il serait catastrophique de céder à la tentation de « tourner la page ». Cela conduirait exactement à ce que la communauté internationale veut éviter : un exode, une instabilité et un conflit accrus, et le spectre du terrorisme émanant du pays.

Les inquiétudes de la communauté internationale quant à la situation des droits de l’homme et à la nature du partage du pouvoir en Afghanistan sont légitimes. Ces préoccupations doivent être abordées dans toutes leurs dimensions : civile, politique, sociale, économique et culturelle.

Aider les Afghans dans le pays constitue une solution durable et rentable. Il nous faut orienter nos efforts vers l’ensemble de la population, et non seulement porter assistance à quelques-uns.

Les Afghans ne sont pas responsables des échecs de leurs anciens dirigeants et ne doivent pas être pénalisés pour la tournure récente des événements dans le pays.

Cette crise peut être l’occasion de définir un cap pour l’Afghanistan, afin de renforcer la paix, la sécurité, le développement et les droits de l’homme.

Un tel cap exige de faire preuve de prudence dans l’enchaînement et la hiérarchisation des actions. Le rythme de l’engagement politique et diplomatique doit être renforcé, parallèlement à l’aide humanitaire et économique.

C’est pourquoi le Pakistan accueille une session extraordinaire du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Organisation de Coopération Islamique (OCI) à Islamabad le 19 décembre 2021, afin de manifester sa solidarité avec le peuple afghan et de contribuer à la mise en place d’un canal efficace pour la fourniture coordonnée de l’aide humanitaire à l’Afghanistan.

En tant que deuxième plus grande organisation intergouvernementale après les Nations Unies, l’OCI est bien placée pour monter la voie en venant en aide aux Afghans. Le Pakistan espère que les États membres de l’OCI et la communauté internationale apporteront tout le soutien possible au peuple afghan en détresse.

Un proverbe dit qu’un point fait à temps en épargne cent. Cela vaut pour l’Afghanistan. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre. Le monde doit agir, et agir maintenant.

Shah Mahmood Qureshi est le ministre des Affaires étrangères du Pakistan.

L’article original peut être consulté sur le site https://www.khaleejtimes.com/opinion/humanitarian-crisis-in-afghanistan-is-preventable-if-we-have-the-will

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